Au fil du bois

Sacré parcours que celui de Rainer Felbermair, maître ébéniste restaurateur de meubles anciens, mais aussi créateur de meubles contemporains et à l’origine de la mise sur le marché de solutions éco-responsables. Des décapants, solvants et nettoyants aussi respectueux de l’environnement dans lequel ils sont employés que pour l’humain qui les utilise !

Ébéniste de formation depuis plus de trente ans, Rainer Felbermair est d’origine allemande. « C’est le métier qui m’a conduit en France par le biais du programme Léonardo (l’équivalent d’Eramus, NDLR). J’avais 26 ans ! Nous étions douze à avoir bénéficié de cette formation intensive avec, en échange, l’engagement de rester travailler pendant un an en France. » Le point de chute du jeune homme est en Touraine. « À l’époque, je me déplaçais en scooter. J’ai trouvé un premier emploi à Vendôme. » Puis un second en région parisienne avant de revenir en Vendômois où il s’établira à son compte. « Je sillonnais la France depuis mes 16 ans, avec un penchant particulier pour cette région. Quand l’ébéniste chez qui je travaillais m’a proposé de reprendre son atelier, ce fût, par conséquent, un beau cadeau. » 

Fournisseur du Mobilier national

La formation suivie lui ayant donné le goût de la restauration, Rainer Felbermair s’y consacrera pleinement pendant vingt-cinq ans. « La conservation et la restauration de mobilier demandent de l’humilité, une bonne connaissance des techniques et savoir se les approprier. » Le maître artisan fera ainsi apprécier son travail d’une clientèle privée exigeante comme institutionnelle. Il deviendra ainsi fournisseur du Mobilier national. Ces commandes publiques lui donneront l’occasion de « toucher à des choses que l’on ne verrait pas autrement », apprécie-t-il. Son savoir-faire et son expertise se verront ainsi récompensés en 2009 par la qualité de « Maître artisan d’art au titre de la grande notoriété ».
Depuis, le marché du mobilier ancien s’est effondré. « Un meuble signé vaut maintenant 10 % de sa vraie valeur. Le particulier représente aujourd’hui la majorité de la clientèle pour des meubles avec une attache sentimentale, de famille, que l’on a connus enfant et que l’on ne souhaite pas voir se dégrader. » 
En parallèle de la conservation-restauration de mobilier, Rainer Felbermair a ajouté la création d’éléments contemporains dans l’esprit de l’écoconception, pour l’intérieur comme pour l’extérieur. Le maître artisan ne s’arrêtera pas là !

Des produits éco-responsables

La restauration de mobilier ancien nécessite des produits chimiques, décapants, nocifs pour la santé de l’utilisateur. Or Rainer Felbermair se passionne pour les applications pratiques de la physique-chimie. Il s’agace, par conséquent, de ne pas se voir proposé de produits alternatifs, plus respectueux. En 2006, il assiste à une conférence sur ce sujet épineux. Il y fait la connaissance d’un chimiste qui va lui donner l’occasion de faire avancer les choses dans ce domaine. « Nous avons longuement échangé. Je lui ai montré avec quoi je travaillais et là, il est devenu tout pâle. » Cette rencontre déclenchera la création de ces solutions alternatives tant attendues par l’artisan puisque c’est lui-même qui mettra au point, à partir des matières premières plus naturelles fournies, la composition d’une gamme de quatre produits de remplacement écoresponsables, sous la marque Labovert®, fruit de dix années de recherche. « Ces produits demandent de modifier un peu ses modes de travail, mais les quantités employées sont diminuées par deux, voire par trois et la santé des utilisateurs n’est pas mise en danger. » De plus, leur fabrication est française. Quant à leurs emplois, ils sont multiples. « Sur tout le patrimoine (bois, statue en marbre, sols en tomettes…), dans l’industrie, sur les bâtiments, l’automobile… Pour la restauration d’un tableau comme sur une carlingue d’avion. »  
Rainer Felbermair a réuni l’ensemble de ses activités dans une entité unique, Ecosph’R, dans laquelle le maître artisan glisse aussi un volet « formation ». En 2019, une porte des plus prestigieuses s’ouvre à la nouvelle structure : le château de Versailles, engagé dans une démarche environnementale zéro pesticide et produits propres. « L’entretien des 5 000 m2 de parquets du château posait problème. Un test avec notre cire nous a été demandé, il a convenu. L’aspect des parquets a totalement changé. Ils retrouvent leur beauté initiale ! » 
Annette Fluneau

Photos : Laurent Alvarez